Résistances discursives et travail du négatif : le cas de la formule "fake news"

peer reviewedÀ l’intersection de la philosophie et de l’analyse du discours, ce texte propose de discuter la manière dont on peut aborder le phénomène du discours sur les « fake news » tel qu’il se manifeste dans l’espace médiatique contemporain. Il s’agit de questionner ce que les discours font en mettant en jeu le vrai ou le fake dans une « formule » (A. Krieg-Planque). En critiquant d’abord une association hâtive qui tend à amalgamer dans une seule question Nietzsche, le postmodernisme, les fake news et la post-vérité, on souhaite avant tout se tenir au niveau du discours lui-même. Cette exigence, à la fois philosophique et philologique (nietzschéenne), met au jour une dynamique de positionnements réciproques, de résistances et de réinstauration des ordres respectifs de valeurs selon ce que l’on analyse comme un « devenir-réactif » (Deleuze, Nietzsche). Sur le plan énonciatif, les forces en présence s'inter-déterminent au sein d'une scène de parole spécifique, appelée « scénographie constituante ». Une telle scénographie résiste en tant qu’elle réaffirme la légitimité du discours en train de se faire, et ce par opposition au discours de l’autre, qu’elle étiquette comme fake. Alors qu’elle met entre parenthèses le critère des degrés respectifs de vérité de ces discours, comment notre propre énonciation peut-elle résister à ce jeu d’assignations mutuelles de place ?At the convergence of philosophy and discourse analysis, this paper offers to discuss the way in which we can approach the phenomenon of the discourse on ‘fake news’ as it appears in the contemporary media sphere. The aim is to consider what discourses do by bringing into play true or fake in a ‘formula’ (A. Krieg-Planque). First of all, by criticizing a hasty association that tends to amalgamate Nietzsche, postmodernism, fake news and post-truth in a single matter, we would like to focus on the level of discourse itself. This requirement, both philosophical and philological (Nietzschean), brings to light a dynamic of reciprocal positionings, resistances and reinstatement of the respective orders of values according to what we analyze as a ‘becoming-reactive’ (Deleuze, Nietzsche). On the enunciative level, the forces at play are inter-determined within a specific speech scene, called ‘constituent scenography’. Such a scenography resists insofar as it reaffirms the legitimacy of the ongoing discourse, and this as opposed to the discourse of the Other, which it labels as fake. As it brackets the criterion of the respective truth degrees of these discourses, how can our own utterance resist this game of mutual place assignments